Je ne sais pas vraiment où je comptais aller. Je me pensais en état de marcher. Avec une blessure énorme à la cuisse, je ne sais vraiment pas comment j'ai pu imaginer que j'arriverai à marcher ou même à tenir debout. Je m'inquiète évidemment pour Moon mais je suis rassurée par les paroles d'Alec.

"Si tu le dis... Je t'en dois une."

Je ne sais pas encore comment je le remercierai pour tout ça. Il semble surpris quand je dis vouloir l'aider à nettoyer les tâches de sang que j'ai laissé partout dans le lit et probablement sur les vêtements que je porte actuellement.

J'accepte volontiers le verre d'eau qu'Alec m'apporte. Quand je pense que lui aussi est un chasseur, il n'est pas comparable à celui qui m'a torturé. Il est plus gentil et plus ouvert d'esprit. Il a préféré me sauver moi plutôt qu'un chasseur. Je ne sais pas s'il y a un genre de solidarité entre les chasseurs comme ce que l'on a la plupart du temps entre les loups. Peut-être que je lui demanderai, plus tard, pourquoi moi, et pas lui.

Alec ne dit rien de plus quand j'enlève mes vêtements, mais je vois bien qu'il est gêné. Gêné de quoi ? De me voir me déshabiller ? De voir mon corps ? Ou de voir mes blessures ? Je n'en sais rien, et de toute façon je n'avais pas le choix. Il me regarde recoudre ma première blessure et grimace. Je suis étonnée que ça le dérange, je suis sûre qu'il a déjà eu à faire ça. Ou alors, est-ce qu'il compatit pour moi ? Adorable.

Je suis surprise quand il me saisit la main en me demandant d'arrêter. Le contact de sa main sur la mienne me fait lâcher l'aiguille. Sa phrase sonnait comme un ordre, et en même temps j'ai eu l'impression de l'entendre me supplier.

"Pourquoi ? C'est douloureux, désolé que tu assistes à ça, mais ne t'inquiète pas, ça ira pour moi."

Je me doute bien que me voir avec ce morceau de tissu en bouche pour étouffer mes cris doit perturber. Peut-être même qu'il éprouve de la pitié pour moi, ou qu'il partage ma douleur. Mais ai-je d'autres choix ? Il faut bien que j'empêche mes plaies de saigner si je veux éviter de mourir juste parce que j'aurai perdu trop de sang. Recoudre me paraissait un moyen rapide et efficace. Peut-être un peu barbare, je l'avoue. Mais aux grands maux les grands moyens. Mais j'ai la confirmation qu'il ne veut juste plus me voir souffrir. Je pose alors ma main sur la sienne.

"Très bien, j'arrête. On fait comme ça, ce sera moins... barbare. Mais il va falloir que je reprenne des forces pour que mon corps élimine tout l'aconit et puisse ensuite soigner mes blessures."

Je suis touchée de le voir s'inquiéter ainsi pour moi. Mais il pense vraiment à mon bien-être et il veut m'aider à aller mieux. Je me rends alors compte que ma main est toujours sur la sienne. Je la retire et tourne la tête en me mordant la lèvre. J'ai tellement souffert et je me suis sentie si seule. Je ressens l'envie de me blottir dans ses bras. Mais pourquoi les siens ?

Heureusement que j'ai croisé Alec à la sortie de la chambre. J'aurai été capable de me trainer jusqu'à mon appart, pleine de sang. Quoi de plus suspect ?

"Merci de m'avoir cherchée."

A part lui, je pense que personne ne se serait rendu compte de ma disparition. Personne à part lui n'était au courant que j'étais suivie par un chasseur. D'ailleurs, je remercie son côté chasseur qui a dû bien l'aider à me retrouver. Je serais sûrement déjà morte s'il n'avait pas fait tout ça.

Je finis par vouloir me recoudre, histoire d'arrêter l'hémorragie, mais il me stoppe. Bon, je dois bien avouer que c'était pas la meilleure idée que j'ai eu, mais c'était la seule en l'occurrence. Je hausse les épaules à sa remarque.

"Mouais, tu n'as pas tort. Mais je ne suis pas certaine que ce soit la pire douleur que j'ai ressentie ces derniers jours."

Ce que m'a fait ce chasseur est largement bien pire. Mais bon, s'il y a d'autres alternatives, je ne vais pas cracher dessus. Et surtout, il faut que je mange. Sinon je ne récupèrerai jamais. Il me propose alors de me cuisiner un burger au bacon. Je crois qu'on pourrait voir des étoiles s'allumer dans mes yeux. Rien que d'imaginer ce repas, j'en salive d'avance. Je pourrais presque me lécher les babines, mais je suis sous forme humaine. Je me contente d'un grand sourire.

"Hmm miam, c'est exactement ce dont j'ai besoin, merci."

Il me laisse quelques instants le temps d'aller chercher de l'eau pour me nettoyer et des bandages. Je commence à nettoyer la plaie à la cuisse, en profitant pour faire un nœud dans le fil et enlever l'aiguille. Puis, je lui réponds, lorsque je nettoie les plaies près de ma poitrine et sur mon ventre.

"Pour la plupart, ça devrait aller. Mais je t'avoue que je ne dirais pas non à un peu d'aide pour le dos et le visage. Je ne les vois pas celles-là."

Je dois avoir des marques de coups dans le dos qui ont dû ouvrir des plaies à force de frapper au même endroit. J'ai pris tellement de gifles au visage qu'il a dû m'ouvrir une arcade et j'ai senti ma lèvre péter. Je vais avoir beaucoup de bleus.

"Vu toutes mes blessures, ça doit pas être beau à voir..."

Je bande mon ventre, ajoute des pansements au dessus de ma poitrine. Je m'occupe ensuite de mes bras, les entourant de bandages. J'ai l'impression d'être une momie. Je me regarde sous toutes les coutures. Je crois que j'ai fait le tour. Je me tourne alors dos à lui, ramenant mes cheveux devant moi, pour le laisser regarder l'état de mon dos.

Je souris à sa remarque.

"Ce n'est pas faux. Mais ça ne m'empêchera pas de te sauver à nouveau si besoin. Je ne considère pas ça comme une dette."

Je l'ai sauvé parce que j'en avais envie, pas parce que je souhaitais quelque chose en retour. Certes, ça lui a montré que je ne fais pas partie des méchants non plus. Mais je n'ai pas pensé à cela quand j'ai agi.

Il n'ajoute rien quand je lui dis que me recoudre n'est rien face aux autres douleurs. Bon, je l'ai peut-être dit un peu trop nonchalamment. Mais bon, j'ai relâché toute la pression depuis que je suis chez lui, en sécurité. Alors tout me paraît lointain, je crois que mon cerveau essaie de faire un blocage pour me préserver.

Je ris à sa remarque. Toujours cette petite touche d'humour. Ca fait du bien, n'empêche. Et en même temps, est-ce qu'il parle de ça parce qu'il me trouve jolie à la base ? Si c'est le cas, c'est plutôt agréable à entendre. Je vais prendre ça comme un compliment, ça fera du bien à mon ego.

"Oui, tu as raison. Je vais reporter à l'année prochaine du coup."

Je le laisse ensuite nettoyer mon dos. Mais lorsqu'il passe au visage, je ne peux m'empêcher de grimacer. Le visage, c'est vraiment sensible. J'ai même le réflexe de mettre ma main sur la sienne pour l'arrêter à un moment, mais j'ai relâché aussitôt pour le laisser terminer. Il fait tout de même très attention et s'excuse lorsqu'il voit que j'ai mal.

"Ce n'est rien, c'est pas de ta faute si j'ai mal."

C'est ce chasseur qui m'a infligé tout ça. Lui, il me répare. Il termine en mettant des pansements et des bandages. Je sens que je ne vais pas sortir de sitôt de son appartement. Alors qu'il se dirige vers sa cuisine, je m'allonge à nouveau et finis par fermer les yeux, encore épuisée.

J'entends finalement toquer et je me redresse doucement. L'odeur du burger vient chatouiller mon nez. Oh, ça sent délicieusement bon. Pour répondre à cela, mon estomac grogne de faim.

"Désolée... Ca a l'air délicieux, merci beaucoup."

Je le laisse poser tout ça dans la chambre, me retenant de me jeter dessus comme un animal. Je saisis ensuite le burger et commence à le manger. Bon sang ce que ça fait du bien.

Je suis surprise par sa réponse et baisse un peu la tête, remettant nerveusement mes cheveux derrière mes oreilles.

"Non, je..."

Je me mords la lèvre. Ce n'était pas très judicieux de ma part de dire à un chasseur que je peux le sauver.

"Je sais que... tu sais te défendre. Disons juste que je ne te laisserai pas tomber... si on était à nouveau en mauvaise posture..."

J'espère que je me suis rattrapée et qu'il ne va pas mal le prendre. Je ne voulais pas le blesser ou le vexer. Un silence gênant s'installe. Bravo Luna, tu as tout fait foirer. J'explose de rire face à sa remarque. J'essuie les quelques larmes qui affleurent. Si je m'attendais à celle-là !

"Non pas du tout ! Loin de là. Ca n'existe même pas ce genre de choses chez les lycans."

Fort heureusement. Quelle situation compliquée sinon ! Ca ne me plairait pas du tout. J'avais d'ailleurs détester cette partie dans Twilight, c'est tellement pas réaliste. Et ça fait vraiment de nous des animaux je trouve. Alec a l'air soulagé et je le comprends très bien. Ce serait compliqué à gérer pour lui aussi si ça existait vraiment.

Bref, viens finalement le moment où il me propose de me faire à manger. Ce que j'accepte volontiers d'ailleurs.

"Il est vraiment délicieux, merci."

Je dévore le burger en un temps record. Je m'essuie rapidement la bouche et m'étire. J'en ai marre de rester assise. J'ai besoin de marcher. Maintenant que je suis nettoyée et bandée de partout, ça apaise déjà mes plaies. Je n'ai pas encore éliminé le poison en totalité mais c'est une question d'heures maintenant que je reprends convenablement des forces. Et après, je pourrais guérir et il n'y aura presque plus aucune trace de ces deux jours. Les traces seront surtout psychologiques. Je frissonne. Il ne faut pas que je pense à ça. Je me mets assise sur le bord du lit.

"Je... J'ai besoin de marcher."

Je n'en peux plus de rester allongée dans le lit. J'ai besoin de bouger, de me défouler. Je donnerai n'importe quoi pour aller à la salle et taper dans un sac de boxe là. Mais vu la difficulté que j'ai à rester debout, ce sera pas pour tout de suite.

Avec une main sur la table de chevet, je me mets debout, l'autre main sur le ventre où une des plaies me fait encore bien souffrir. Je respire doucement et me lâche pour tenir debout. C'est déjà mieux que tout à l'heure. Je fais quelques pas dans la chambre, sans regarder Alec, me concentrant sur mon corps et mes pas. Je croise alors mon reflet dans un miroir. Je reste un instant figée. Bon sang, c'est moi ça ? Mon corps est recouvert de bandage autour de ma brassière. Mon visage est enflée, pleins de bleu, mes cheveux sont pires qu'en bataille. Et j'ai l'impression d'avoir perdu dix kilos. Mon corps respire la faiblesse. Je baisse d'un coup la tête. Je ne veux pas voir ça, ça fait trop mal. Je n'ai jamais été dans cet état.

Il défait le lit pour enlever les draps ensanglantés. Je l'aiderai bien mais je ne suis pas vraiment en état. Finalement, il me pose une question qui semble lui brûler les lèvres. Question pour laquelle je ne peux m'empêcher de rire. L'imprégnation, une chose bien inventée. Une bien belle connerie.

Arrive le moment du repas, qui me fait un bien fou. Même si j'aurai clairement pu en manger cinq d'affilée. Ca me remplit déjà un peu l'estomac, ça fera l'affaire pour le moment. Je me ferais plaisir quand je sortirai d'ci. A coup de steak saignant...

Alors qu'il partait en direction du salon, je me lève disant que je veux marcher. Pourquoi je demande une sorte d'autorisation ? Parce que tout à l'heure, il n'avait pas l'air très convaincu par mes décisions de soin. Alors je lui demande en quelque sorte si pour lui je peux être en état de marcher. Ce à quoi il répond que je fais comme je veux.

Alors qu'il part dans le salon, je marche et me retrouve devant un miroir. Je m'arrête, bien incapable de décrocher mon regard de ce que je vois. Je fais peur à voir. Une momie sur pattes. De cicatrices, des bleus... Je détourne la tête un instant en entendant sonner. Mais aucune voix ne se fait entendre, et la porte se referme juste après. Ca c'est étrange. J'entends alors Alec qui me demande si tout va bien. Au moment où j'allais lui répondre, je regarde à nouveau mon reflet dans le miroir et je pousse un cri sans pouvoir m'arrêter.

Juste derrière moi, se trouve une silhouette vaporeuse que je ne reconnais que trop bien. La silhouette du chasseur qui m'a torturée. Et qui est censé être MORT. Je me retourne, histoire d'être sûre que je n'hallucine pas. Mais non il est bien là, avec son sourire mauvais.

"Bah alors ma jolie, t'es pas contente de me voir ?"