Du monde, comme bien trop souvent à mon goût dans ce lieu pourtant si calme dès la fermeture quelques heures après minuit. Je vagabonde derrière le bar remettant inconsciemment les verres et les bouteilles droites et bien rangées dans un tic nerveux monotone que j'ai acquis après quelques semaines passées ici. On ne peut pas dire autrement les employés de ce bar sont bordéliques, jamais au grand jamais un objet est à sa place et chaque soir je repasse derrière eux pour les ranger afin qu'ils puissent les retrouver la prochaine fois qu'ils en ont besoin. Routine tranquille à laquelle je me suis habitué au fil du temps, un endroit plein d'humain mais oh combien sûr pour un magicien comme moi, les humains ne croient pas spécialement au paranormal et ne s'étonnent que très rarement des faits étranges qui se passent, un verre qui éclate ou une chaise qui se brise sous les fesses d'un client ne les a jamais choqués. Si seulement ils savaient et se rendaient tous comptent d'à quel point je dois me retenir parfois pour ne pas réduire cet endroit en cendre, créatures stupides et ne pensant que par leur entrejambe, je déteste ça. Je sers lentement mon poing sur le torchon que je tiens en main et je soupire discrètement pour évacuer les nœuds de tension que j'ai créé sans faire attention dans tout mon corps.

Je tourne la tête et m'arrête lorsqu'un client dont la tête me semble familière demande que son verre soit rempli, son regard m'horripile déjà et je sens son regard mater mon arrière train sans aucune gêne lorsque je me retourne après l'avoir resservi. Je joue lentement avec mes doigts les faisant craquer avec mon pouce en laissant mon regard vagabonder sur la salle pleine, la chance est avec moi ce soir, pas de clients un brin trop éméchés ou de jeunes gens bien trop joueurs et tactiles avec les filles du bar. Je m'installe à ma place habituelle entre les grands crus et la tireuse a bière et je tapote mes doigts sur le marbre du plateau pendant quelques secondes avant de recommencer à l'astiquer comme tous les soirs durant des heures. Mais mon regard se reporte en permanence et malgré moi sur l'homme qui bois son verre accoudé au bar, je ne sais pas comment l'expliquer mais une vibration désagréable me remonte le long de l'échine, il sent l'animal, j'en suis persuadé sans pouvoir le décrire mais ce type n'est pas humain, peut être son attitude ou sa façon de se tenir assis, ou son regard perçant, mais une chose est sûre les créatures de cette ville ne se fondent pas aux humains pour rien. A-t-il une proie dans cette salle ou attend-t-il quelqu'un je ne saurais le dire, mais je me promets intérieurement de ne pas le lâcher du regard jusqu'à qu'il soit sorti de cet établissement.

La soirée passe lentement et je perds peut à peut patience, je le vois et le sens m’observer en retour ce qui ne fait rien pour arranger la tension dans mon corps, j’essaye de faire abstraction de sa présence négative dans mon espace vital et je vaque à mes occupations tout le reste de la soirée sans pouvoir m’empêcher de la surveiller dès que j’en ais l’occasion.

La fermeture arrive et les derniers clients sortent, je laisse un soupire s’échapper et je m’occupe de ranger la salle avant de me changer dans les vestiaires, comme souvent je suis le dernier et je sors du bar après avoir vérifié que tout est fermé, l’air est bon ce soir et il fait relativement sombre. Je regarde l’heure quelques secondes droit devant la porte avant de lever la tête dans un petit sursaut me sentant épier, mon estomac se tord d’angoisse et de frustration à la fois et je scanne la ruelle avec nervosité avant que mon regard ne s’arrête sur le loup garou installé dans les ombres. Lui, il commence déjà à me taper sur le système nerveux, c’est quoi son problème à la fin ? Je prends une profonde inspiration quand je sens que je ne vais plus arriver à me contrôler avant de mettre mes mains dans mes poches et je marche droit vers le type sans une once d’hésitation, je me plante devant lui droit comme un piquet dans une attitude profondément méprisante.

- Que me voulez-vous donc pour m’attendre ainsi après mes heures de service? Je n’accepte aucune demande après mes heures de service revenez demain si vous avez quelque chose à me demander.

Je reste immobile quelques secondes à le scruter, il est mignon mais il n’a rien de spécial à mes yeux, il parait fatigué ou même assez perdu je ne saurais comment le décrire, mais son regard me laisse hésitant devant la conduite à suivre, il n’a pas l’air d’être là pour chasser sinon il aurait pris une cible bien plus facile que moi, a moins qu’il ne sache pas ce que je suis. Ah… Dans qu’elle merde me suis-je encore fourré à cette heure-ci de la nuit ?

Je ne cille pas pendant quelques secondes, il n’est pas clairement hostile mais sa présence me rend mal à l’aise, je me tend quand il fait le premier pas et je lève vaguement la main au-dessus de ma hanche ouverte vers le bas dans une position de défense, pourquoi me cherche-t-il? Il semble hésiter sur mon appartenance aux magiciens, nous chasse-t-il ou cherche t’il simplement à s’amuser comme d’autres idiots le font parfois ?

- Tu te dissimule pas mal… j’ai vraiment eu du mal à te repérer… je commençais presque à désespérer.

-Ne me touche pas…

Un deuxième pas de sa part et sa main qui se tend vers moi sans hésitation, je n’attend pas et écarte mon bras de lui avant de laisser la colère s’épanouir dans mes veines comme une nuée venimeuse avant de lever ma main vers son visage le projetant contre le mur de toute ma puissance, je vacille légèrement en arrière sous le recul et un rire sec s’échappe de mes lèvres tandis que je secoue la main un sourire mauvais aux lèvres, il va me le payer pour avoir osé essayer de me toucher je le jure, je penche lentement la tête sur le côté mon regard bleu fixé sur lui avec une haine évidente peinte sur mon visage

-Je n’ai peut-être pas été assez clair avec toi… Cabot

Je m’avance vers lui mes mains ouvertes et de la magie crépitant au bout de mes doigts, j’ai du mal à me contrôler mais je pense que j’y arrive un peut mieux, peut-être que je le tuerais quand même, ça pourrait être amusant, je déteste que l’on connaisse mon identité. Oh oui, j’en suis persuadé, il va me le payer.

Mon esprit se brouille de lui-même sous l’effet de ma magie courant librement dans mes veines, un rire cassant accompagne un sourire mauvais sur mes lèvres tandis que mes yeux bleus s’écarquillent un brin de folie dansant au fond de mes prunelles. Je l’écoute parler sans être vraiment convaincu ne pensant qu’au bruit que son corps à fait en s’écrasant contre le mur, ça me donne des frissons d’excitation à travers tout le corps rien que d’y penser. Je mordille ma lèvre inférieure quelques secondes avant de bondir sur lui dès qu’il m’autorise à contre cœur à le frapper. Je laisse libre cours à mon pouvoir et le fracasse sans hésiter à plusieurs reprises contre le mur avant de me stopper brusquement quand je vois le sang coulant sur son menton.

-Ah… Qu’est-ce que j’ai fait…. ?

Je m’accroupi avec précipitation à ses côtés et je le survole de mes mains totalement paniqué sans savoir comment le soigner, je sors un mouchoir propre de ma poche de veste et le presse délicatement sur la coupure de sa lèvre avant de regarder autour de nous à la recherche de quelque chose pour le soigner.  T’a merdé Ev’ t’a vraiment merdé sur ce coup, qu’est ce que tu vas bien pouvoir faire avec un cabot totalement amoché… Déjà à qui la faute s’il est dans cet état? La question ne se pose même pas, je sers les dents en chassant mes pensées pour me reconcentrer sur l’homme par terre

-Hey... Dit moi que t’es encore conscient cabot...

Je pose une main sur son épaule et le secoue doucement pour ne pas lui faire mal une expression inquiète figée sur mon visage aux traits tendus, je l’adosse correctement au mur où je l’ai fracassé et je pose ma veste sur lui après quelques secondes d’hésitation. Pourquoi est ce que je fais ça moi ? Il aurait été tellement plus simple de le laisser crever dans cette ruelle plutôt que de m’occuper de lui et risquer gros si quelqu’un à alerter les flics à cause de bruit ou encore s’il devient fou à cause d’un coup ou deux sur sa caboche.

Je recule mes mains et le fixe reprenant un masque dur et froid dès qu’il est réveillé, je change de position pour me retrouver accroupi devant lui et je le fixe d’un regard vide exempt d’une quelconque marque de vie, je me redresse finalement et j’époussette mes vêtements la tête penchée sur le côté en le surveillant en coin, j’entrouvre les lèvres avant de les pincer dans une grimace de colère et je passe une main tremblante dans mes cheveux celle-ci crépitant encore de magie non contrôlée.

- Tu n’y est pas aller de main morte je dois dire… ça me fait une raison de plus de ne pas me battre avec des sorciers. En plus vous tricher c’est pas du corps à corps…

-… Suis-je censé m’inquiéter de t’avoir écraser comme une mouche contre un mur ?

Je penche la tête dans l’autre sens les yeux braqués sur lui avant d’esquisser un fin sourire pleins de mépris, je tourne les talons pour regarder la ruelle puis me retourne vers lui un air plus calme sur mon visage, je croise les bras et m’adosse au mur d’en face en suivant du regard chacun de ses mouvements.

- Il est tout aussi drôle d’écraser quelqu’un déjà par terre…

Je soupire lourdement et je m’essuie les mains sur mon pantalon avant de marcher jusqu’à lui, je l’attrape par les cheveux pour tirer sa tête en arrière des étincelles de magie crépitants contre son visage.

- Je ne veux pas discuter avec ceux de ton espèce, parle si tu veux, j’écouterais, mais ne crois pas que j’accepterais quoi que ce soit comme demande d’un clebs.